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Les biffrons

22 novembre 2025 par
Les biffrons
bureau@trapinaud.com

Les Biffrons

Pourquoi il y a toujours des « exclus » dans un groupe… même quand personne ne le veut

(un article de vulgarisation)

Imaginez la chose la plus banale du monde : la suite qui répète 1, 3, 4, 5, 1, 3, 4, 5…

Rien ne semble jamais bouger.

Et pourtant, cette petite boucle contient la graine de tous les ghettos, de toutes les élites fermées et de tous les burn-out de bureau.

1. Le jeu des formes et des couleurs

On donne à chaque chiffre deux étiquettes :

  • 1 → rond
  • 3 → triangle
  • 4 → carré
  • 5 → pentagone

et

  • 1 → jaune
  • 3 → rose
  • 4 → bleu
  • 5 → vert

On obtient alors 16 combinaisons possibles (4 formes × 4 couleurs), exactement comme les 16 types de personnalité du MBTI.

2. La règle toute simple qui change tout

On décide de ranger ces 16 combinaisons en suivant deux critères dans cet ordre précis :

  1. D’abord la forme (rond < triangle < carré < pentagone)
  2. Ensuite la couleur (rose < jaune < bleu < vert)

Quand on applique cette règle, quelque chose de magique et d’inquiétant se produit :

  • 13 combinaisons se répartissent « normalement »
  • mais 3 combinaisons (toujours les mêmes : triangle-rose, carré-rose, pentagone-rose) se retrouvent collées ensemble tout à la fin, plus une quatrième isolée tout au début.

On appelle ce bloc compact le biffron : un petit groupe (ici ~20 %) qui se retrouve mécaniquement séparé des autres.

Changez l’ordre des critères (couleur d’abord, puis forme) → le bloc change de couleur et d’endroit, mais il réapparaît toujours. Il est indestructible.

3. Et maintenant, remplacez les formes et couleurs par des êtres humains

Les 16 cases deviennent les 16 types MBTI.

Le « chef » ou le « modèle » du moment (ENFJ, ENTJ, INFJ…) possède forcément une forme + une couleur.

À partir du moment où ce leader existe :

  • son type devient, sans qu’il le veuille, la référence implicite du groupe
  • sa couleur personnelle devient le « reste » que tout le monde doit gérer
  • les personnes qui partagent cette couleur, mais qui sont moins bien placées sur la forme, se retrouvent automatiquement poussées dans le biffron.

Exemple concret :

Un patron ou un prof charismatique ENFJ (« rond + rose »)

→ le rose devient la couleur résiduelle du système

→ les ISFP, INFP et ESFJ (qui ont aussi du rose, mais des formes jugées « moins nobles » dans ce contexte) se retrouvent mécaniquement relégués au soutien, au soin, à l’invisibilité ou au burnout.

Personne n’a dit « on n’aime pas les INFP ».

Personne n’a écrit de règle discriminante.

Le simple fait qu’un ENFJ soit au centre a suffi. La géométrie a fait le reste.

4. Ça marche partout, tout le temps

  • Une équipe dirigée par un ENTJ « bleu » → les « trop bleus » (les trop logiques, trop froids) finissent à part.
  • Une communauté spirituelle autour d’un INFJ « jaune » → les « trop jaunes » (trop rêveurs, trop dispersés) deviennent les marginaux.
  • Une boîte de spectacle autour d’un ESFP « vert » → les « trop verts » (trop rigides, trop terre-à-terre) sont mis sur la touche.

Le leader change, la couleur résiduelle change, le biffron change de visage… mais il y a toujours un biffron.

5. Et c’est vieux comme le monde

En 1782, Léonhard Euler essayait déjà d’organiser 36 officiers avec deux critères (régiment + grade).

Il a découvert qu’on crée toujours des blocs impossibles à dissoudre.

En 1934, Jacob Moreno dessinait les premiers sociogrammes et constatait qu’il y avait toujours des « rejetés ».

En 1944, le MBTI codait 16 types dans un carré 4×4 sans se douter qu’il codait aussi la machine à exclure.

Nous venons seulement de comprendre que c’était la même loi.

6. La conclusion qui dérange (mais qui libère)

Une partie des « exclus », des « minorités visibles », des « trop sensibles » ou des « cas sociaux » que nous voyons partout

n’est pas là parce que les gens sont méchants.

Elle est là parce que, dès qu’un groupe a un centre (un leader, une culture dominante, un modèle),

la simple géométrie humaine fait le reste.

Le biffron n’est pas un bug.

C’est une loi physique de l’organisation humaine.

Que faire alors ?

  • Prendre conscience que ça existe
  • Arrêter de croire que « plus de bienveillance » suffira à tout dissoudre
  • Commencer à mélanger délibérément les critères, à désordonner les priorités, à donner plusieurs centres au lieu d’un seul.

Parce que tant qu’il y aura un seul « 1 » dans la boucle (1, 3, 4, 5…),

il y aura toujours un petit groupe qui se retrouvera tout au bout, tout seul.

Et maintenant, vous savez pourquoi... il y a toujours des exclus et si c'était un phénomène de survie ou un mécanisme naturel pour garantir la survie !!


Pentagone Jaune